L'Artiste
C’est dans le métissage que Valérie Telesca, plasticienne franco-italienne, trouve sa véritable expression. Artiste aux multiples facettes, elle a été photographe, peintre matiériste et poursuit son exploration de la matière dans la sculpture et la céramique.
Dans ses ateliers, son approche est basée sur l’humain : enfants, familles, adulte en situation de fragilité y trouveront un moyen de se sentir valorisés par la création.
INTERVIEW
Sûrement dans une vie antérieure ! Je ne fais pas partie des gens qui sont nés artistes. Ma vocation est venue sur le tard, un peu inopinément.
L’audace ! La majorité de mes travaux sont des approches expérimentales de la matière, initiée au sein du mouvement “ENERGY TRACKS”, groupe international d’artistes dont les expérimentations portent sur les processus physiques et chimiques capables de créer une énergie, chromatique ou plastique. Je travaille beaucoup sur la polymérisation de colles sur matières fragiles telles que carton, papier, tissu dont je transforme la structure. A l’opposé de la quête d’une revendication de l’éphémère, mes travaux s’inscrivent dans la dynamique du temps qui n’aurait plus de prise sur la matière dite “fragile”, lui faisant accomplir le défi de durer. J’ai érigé mes propres techniques à force de travail et d’expérimentation. Un artiste est un chercheur alchimiste…
Dans mon parcours artistique, la photographie a été une première étape, une discipline, une école de la sensibilité au service de la mesure des choses, un calibrage de l’œil aux formes et aux couleurs. Dans mon travail de peintre, j’applique cette même rigueur qui, paradoxalement, mène au dépassement de soi, fait accoucher l’inconscient et surgir le mystère.
Ma démarche de plasticienne s’articule autour du concept de l”emballage, dans sa dimension allégorique de parure sociale altérant la nature originelle des choses. Mon questionnement porte sur ses limites et ses contradictions, sa capacité à dissimuler, transformer ou révéler la “matière” intérieure.
Je me conditionne mentalement. Il faut sentir le moment juste, celui où l’envie, les sens, sont aiguisés à point pour accueillir une émotion véritable, couplée à l’énergie qui lui correspond. C’est cette même énergie qui prend forme. Dans la vie, j’observe en permanence, je photographie inconsciemment des détails qui m’inspirent le travail d’une matière, qui rendent apte à ouvrir le dialogue.
Le moment où je sens que le rendu se confond avec ma pensée et mon besoin vital de sentir mes émotions absolument exprimées. Éprouver ce sentiment troublant que l’on est parvenu à se comprendre soi-même…
Un questionnement, un regard sensible porté sur le monde que nous composons. L’expérimentation est une forme de résistance. Dépasser les limites, ouvrir de nouvelles portes, s’interroger sur ce qui se trouve au-delà des acquis, refuser le confort pour un risque qui en vaut peut-être la peine. L’art est avant tout un un vecteur de communication envers les autres. Je considère que la vie d’une œuvre commence au sortir de l’atelier, au moment d’une exposition, lorsqu’elle s’offre au regard des autres. Elle devient un merveilleux prétexte à l’échange avec l’autre qui exprime sa propre émotion et commente la vôtre jusqu’à déceler parfois les aspects les plus obscurs de votre personnalité, apporter un bout de réponse qui vous emmènera vers d’autres questions. Une façon de se sentir vibrer, d’être vivant.
Je n’ai aucun modèle de référence. J’aime l’idée que l’on puisse créer sans aucune influence. J’aime beaucoup le sculpteur sénégalais Ousmane Sow. Je l’aime pour son parcours, son histoire, sa façon d’être tombé dans l’art par hasard et avec beaucoup de force, sa façon d’être un artiste « à part », avec humilité et talent. Dans ma peinture, je me reconnais dans l’approche technique d’ Alberto Burri, précurseur de l’art informel. Comme lui, j’ai éprouvé un rapport physique avec la surface de la toile que je lacérais, triturais, maltraitais.